La tradition et la modernité sont deux notions très
courantes, mais dont l'acception n'est pas toujours très aisée, dans la mesure
où on a tendance à les opposer, alors que la modernité n'est qu'une évolution
normale et inévitable de la tradition. En d'autres termes, la tradition et la
modernité désignent la même réalité sociologique dans une communauté,
c'est-à-dire la manière d'être et de faire des hommes à des moments différents
suffisamment espacés. C'est pourquoi il nous sied de disserter un peu sur notre
perception de la modernité et de la tradition afin de mettre en exergue les
origines du divorce généralement proclamé entre les deux notions.
La tradition
De tout temps et dans toutes les sociétés humaines, les
populations font face pratiquement aux mêmes événements sociaux. Mais on
constate que chaque société a développé au cours des temps une manière
particulière de prendre en charge ces événements. Cette manière particulière
est ce que nous appelons les us et coutumes de cette société, ou en d'autres
termes sa tradition.
La modernité
Les dynamismes inévitables de chaque société, dus à sa
vitalité interne (innovations propres), à son enrichissement ou à son
aliénation nés de ses contacts avec les autres sociétés, font que les
traditions de toutes les sociétés humaines connaissent constamment des
mutations. La modernité d'une société apparaît alors comme l'état actuel de
l'évolution de sa tradition.
Il apparaît alors que le rapport, conflictuel ou harmonieux,
entre la tradition et la modernité dépend de la nature des mutations subies au
cours des temps par la tradition.
Les mutations découlant de la vitalité interne de la société
sont diffuses et souvent imperceptibles dans la mesure où elles n'attirent
souvent pas l'attention. Ces mutations sont des améliorations apportées aux us
et coutumes. Il va sans dire que la modernité n'est qu'une version améliorée et
largement partagée de la tradition. La modernité et la tradition ne peuvent
avoir qu'un rapport harmonieux.
Les mutations découlant des contacts avec les autres
sociétés débouchent sur l'enrichissement ou sur l'aliénation. Elles débouchent
sur l'enrichissement quand les expériences extérieures vécues ou reçues sont
préalablement soumises à l'épreuve de son référentiel socioculturel,
c'est-à-dire sa tradition et plus généralement sa culture. C'est en effet ce
référentiel qui sert de base de comparaison ou de tamis pour trier ces
expériences extérieures afin de ne transférer dans sa propre tradition que les
aspects innovants. Cette démarche garantit l'harmonie entre la tradition et la
modernité. C'est ainsi par exemple que les danses traditionnelles importées, le
nouveau modèle de construction, les tenues vestimentaires décentes, les
ustensiles de cuisine, l'outillage, l'utilisation du gaz, de l'électricité, des
foyers améliorés, les soins médicaux modernes, etc. ne posent pratiquement
aucun problème d'adéquation avec la tradition passée.
Les contacts débouchent sur l'aliénation quand on transfère
servilement dans sa tradition, c'est-à-dire sans discrimination et discernement
des manières de faire ou d'être des autres. Ce genre de transfert découle de
nombreux facteurs parmi lesquels on peut citer : le pouvoir coercitif d'un
oppresseur, la perte de sa culture, le manque de confiance en soi, les mirages
de la nouveauté. C'est peut-être le lieu d'évoquer la politique coloniale
d'assimilation de la France qui a provoqué en Afrique un véritable génocide
culturel. A travers sa soi-disant « mission civilisatrice », la France a procédé
à un véritable lavage de cerveau au profit de la culture française. La langue
parlée était obligatoirement le français, les programmes scolaires étaient
français, etc. Bref il fallait adopter les manières d'être et de faire
françaises, c'est-à-dire renoncer à être soi-même, pour être un homme civilisé
et avoir les faveurs des maîtres occidentaux. La modernité découlant de telles
mutations ne peut qu'être en conflit avec la tradition et c'est le propre des
sociétés actuelles dans leurs nombreux compartiments. Par exemple, beaucoup
d'Africains adoptent officiellement la monogamie recommandée par l'Occident,
mais vivent en fait une polygamie officieuse ; de nombreux pays africains
pensent que les maisons de retraite sont un signe de modernité, alors que l'Occident
regarde avec admiration la manière africaine de traitement des personnes âgées
; la nouvelle conception importée du mariage comme étant uniquement une affaire
du couple et non des familles comme dans l'Afrique traditionnelle, fragilise
énormément les unions et accroît les divorces, etc
منقول.
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شكرا لكم يااصدقائي على المعلومات